deuxième lettre des OMLT en Afghanistan

Publié le par caf92ri.over-blog.com

 

 

 

 

Bonjour à toutes et à tous.

 

A la fin de ce deuxième mois, voici quelques nouvelles supplémentaires de nos extraordinaires aventures en Asie centrale.

 

Nous sommes enfin arrivés en vallée de TAGAB, cœur de la zone française. Après avoir apprécié le confort américain un mois durant, nous retrouvons avec une joie infinie les charmes d’un commandement franco-français.

 

Plus d’ordres à traduire dans un Anglais approximatif – peu m’importe, mon chef corrigera mes fautes – à destination de nos puissants alliés. Enfin des ordres clairs : pour la logistique, tu te débrouilles, pour le reste on fait comme d’habitude, tu me rédiges tes ordres si tu veux que je t’en donne.

 

Plus d’incompréhensions alimentaires – fat dishes with coca light, donut or not donut – servis avec le sourire d’une réserviste américaine ponctué d’un « bonne jour » gazouillé avec la voix de Betty Boop. Juste le visage angélique du camarade de corvée de cuisine vous engueulant pour votre manque de gratitude à son égard parce qu’il est obligé de faire passer 200 kilos de merguez en trois semaines (pour 20 personnes, faites le calcul vous-même, bande de fainéants). C’est vrai qu’il s’est enquiquiné à vous faire des friands ou des quenelles en même temps en guise de légumes. Vivement la prochaine opération que l’on puisse manger des rations de combat équilibrées !

 

Plus de situation délicate à gérer hors zone française – on ne peut rien pour vous, vous n’êtes pas chez nous. Après avoir été assis en dehors de la chaise, nous sommes aujourd’hui assis entre deux chaises, c’est-à-dire que nos implantations sont réparties à cheval sur les zones de responsabilités des deux bataillons français. « Vous êtes qui ? Où çà ? Ah bon ! Depuis quand ? Vous êtes sur que c’est moi qui vous soutient ? Moi, je veux bien vous donner votre prime d’alimentation mais il me faut un ordre écrit. Ah non, pour ceux-là ce n’est pas possible, ce n’est pas chez moi. »

 

Bref, que du bonheur, je n’insiste pas sur les grandeurs et servitudes administratives si chères à notre beau pays. Heureusement, il nous reste les Afghans. Les nôtres et les autres.

 

Les nôtres, toujours vaillants, prennent davantage confiance en eux au fil des missions et opérations conduites à nos côtés. Du moins tant que nous sommes là, ils viennent avec nous. Non pas qu’ils tiennent à nous, mais ils nous préfèrent surtout largement à leurs cousins.     

 

Surtout que les cousins en question nous ont convenablement et traditionnellement accueillis dans la vallée, nous invitant cordialement et presque quotidiennement à déguster une spécialité locale, une sorte de ragoût truffé aux pruneaux. Prudence étant mère de sûreté, aucun d’entre-nous ne s’est laissé tenter jusqu’à présent, contrairement aux quelques sept soldats afghans qui y ont goûté ce mois-ci. Fort heureusement, leur curiosité est restée mesurée et ils n’ont été que temporairement indisposés.

 

Quelle naturelle et si franche hospitalité malheureusement incomprise par notre grande société moderne ! Aussi vingt-cinq d’entre-nous – inconditionnels des bouchons estivaux périméditerranéens – vont devoir début juillet quitter à contrecœur cette contrée si accueillante et écourter à grands regrets un séjour culturel si passionnant.

 

Familles réjouies, préparez-vous au retour du voyageur :

ne lui laissez pas le volant en rentrant, il roulerait au milieu de la chaussée pour empêcher les autres véhicules de s’insérer dans le convoi ;

rangez précautionneusement les jouets bruyants si vous ne voulez pas le voir se poster derrière le canapé en cas de bruit sec ;

n’oubliez pas que le vendredi, c’est ravioli et les autres jours aussi ;

débranchez l’antenne de la télévision, il s’est habitué à avoir un écran vide ;

proposez-lui de passer les premières nuits dans le jardin ou sur le balcon avec le caméscope en mode vision de nuit, il lui faut s’approprier son environnement nocturne ;

enlevez le paillasson si vous ne voulez pas le voir se mettre à quatre pattes et essayer de regarder en dessous avant de franchir la porte d’entrée ;

coupez fréquemment l’électricité pendant plusieurs minutes surtout lorsqu’il est sur Internet, ce qui fonctionne trop bien le met mal-à-l’aise ;

laissez-le vous appeler sur SKYPE depuis une autre pièce, il vous parlera certainement plus que si vous étiez à côté de lui.

 

Et surtout mesdames, quel bonheur pour vous de le voir – enfin ! – faire sa lessive. Si, je vous l’assure, il sait lancer un programme – toujours le même, certes – sur une machine à laver et mettre la lessive dans le bon bac, quoique sans ajouter d’adoucissant. Quelle avancée sociale pour votre ménage de ne plus voir votre mari contempler l’électroménager avec le même air ahuri qu’une poule découvrant un réveil.

 

Assez écrit pour cette fois, à votre tour de nous donner des nouvelles.

 

A bientôt.

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P
<br /> Un grand merci à vous pour toutes ces nouvelles. Revenez nous vite<br /> <br /> <br />
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